Dès mars dernier, nous avions publié un article sur le «Média», la Web télé des mélenchonistes qui devait révolutionner l'information ; cinq mois après, rien ne s’arrange, bien au contraire. La direction du «Média» se comporte comme n’importe quelle entreprise du Cac 40.

la crise secoue la jeune webtélé

Sur fond de querelles financières et changement de ligne éditoriale, la crise secoue la jeune webtélé au point de séparer la rédaction en deux clans. Sophia Chikirou, l'ancienne présidente impliquée dans ces turpitudes, lance un appel à l'aide aux "Socios" pour tenter de trouver une solution...au risque de signer la disparition du Media.

Décidément, rien ne va plus au Media. Après les révélations de Médiapart, ce vendredi 10 août, dévoilant la gravité de la crise interne secouant la jeune web-télé lancée en janvier 2018, les oppositions se renforcent et les langues se délient. Pour faire face aux accusations de mauvaises gestions dont elle fait l’objet, Sophia Chikirou, l’ancienne présidente du Media ayant démissionné pour rejoindre Jean-Luc Mélenchon à l’occasion des élections européennes, a lancé un appel à l'aide aux "Socios", les contributeurs et abonnés du Media.

Un appel à l’aide 

Un appel à l’aide pour qu’ils deviennent les médiateurs d’un combat l’opposant au nouveau trio de tête de la direction : Gérard Miller et Henri Poulain, également cofondateurs, et la journaliste Aude Lancelin.

"Je propose ici que des socios et des personnalités, comme par exemple Bruno Gaccio [humoriste ayant notamment participé à l’écriture de l’émission Les Guignols de l’info jusqu’en 2007], puissent constituer un groupe de méddiation indépendant. Car sans médiation, nous ne sortirons pas de la crise", peut-on lire dans ce texte posté ce mardi 14 août par l’ancienne présidente. Plus grave, elle continue relatant une communication "coupée entre Aude [Lancelin, la nouvelle présidente], Gérard [Miller], Hervé [Jacquet, président de l'association "Le Média"], Stéphanie [Hammou, nouvelle présidente de la société de production]". Une solution étant la condition pour renoncer "à saisir la justice".

Dans la tourmente de ses comptes, le crépuscule du Media 

La crise est d’ampleur, et menace la pérennité de la webtélé. Les révélations de Mediapart y sont pour quelque chose. Le pure-player a consulté un document interne soulignant l’origine des nouvelles tensions : "juste après avoir annulé à 14 h 17 la passation prévue à 15 h avec Hervé Jacquet, passation qu’elle avait acceptée par mail, Sophia Chikirou a demandé au Crédit du Nord de faire trois virements : les deux premiers à deux des six autoentrepreneurs ayant travaillé pour le Média, le troisième à sa propre société, Mediascop, d’un montant de 67 146 euros". 

Si la demande de virement a été bloquée par la banque, un autre chèque –cette fois-ci de 64 119,61 euros – était également relevé deux jours plus tôt, toujours libellé à l’ordre de Mediascop, l’agence de communication dont Sophia Chikirou est l’unique actionnaire. Bref, 130 000 euros en 48h. Mediapart conclue, presque ironique : "la consultante Sophia Chikirou donnait des conseils à la présidente Sophia Chikirou".

Si l’ancienne dircom' du candidat de La France Insoumise nie une dissimulation de ces frais, la nouvelle présidente analyse durement la situation :

«Cette facture est comme une volonté de tuer le Média, le Média, par dépit, alors même que Sophia m’avait personnellement demandé de prendre sa succession et avait tenu à se féliciter publiquement de mon élection. Si la banque n’avait pas bloqué le virement, nous aurions été en grande difficulté financière et les salaires n’auraient vraisemblablement pas pu être versés cet été».

Anciens collaborateurs ou amis pour certains, tous sont à à couteaux tirés. "Tout semble nous séparer aujourd'hui alors que nous avons été particulièrement proches pendant plus d'un an", regrette Gérard Miller dans une  lettre adressée aux « Socios ». Et lorsqu’il s’adresse à Sophia Chikirou, l’ironie est cinglante chez le psychanalyste également accusé d’avoir tiré des avantages financiers du fait de sa position : "J'ai essayé pendant les 15 jours du séminaire (organisé au début de l'été, ndlr) d'y voir un peu clair sur ta gestion (et ce n'était pas facile, crois-moi), et j'aurais refusé que tout s'éclaire comme par miracle".

Atmosphère délétère

Cette crise, qui n'en finit pas, est doublée d'une autre secousse interne. Les déboires financiers et la fin annoncée d'un journal télévisé, pas assez rentable, ont provoqué la colère de certains journalistes. Ces derniers (Serge Faubert, Léonard Vincent, Alexis Poulin et Julie Maury) ont écrit un communiqué de presse contre le syndicat des journalistes du média, créé le 2 juillet dernier. Ils voient dans l'appel aux candidatures, lancé par les cadres exécutifs, une manière d'exclure certains journalistes (ceux supportant encore Sophia Chikirou). Cette "SDJ ne peut en aucun cas prétendre représenter les journalistes du Media" soutient le texte. En cause, une SDJ se révélant "être un instrument pour la prise de pouvoir sur les sociétés du Media par une nouvelle direction".

La nouvelle ligne éditoriale est, elle aussi, contestée. Notamment en raison de la nomination de "Théophile Kouamouocomme rédacteur en chef pour les questions d'actualité, pose de nombreuses inquiétudes", rappelant qu'il était le présentateur le jour "où a été annoncé "un blessé  grave à Tolbiac", une information qui s'est avérée fausse". Fin avril, le Media avait publié des témoignages soulignant un recours à la violence lors d'une vaste opération policière, lancée à l'aube, pour évacuer l'université parisienne de Tolbiac, lieu emblématique de la mobilisation contre la réforme de l'accès à la fac. Des faits démentis progressivement par le journal Reporterre, puis confirmé par l'AFP.

Enfin, le communiqué apprend que certains journalistes se qualifient eux-mêmes de "racisés". "Cette expression est odieuse. Au moment où le terme de race doit disparaître de la Constitution, ils le revendiquent comme une identité!", s'insurgent les auteurs du texte, donnant la preuve, encore, que la rédaction était loin d'être constituée d'un fond idéologique homogène propre à être simplement une caisse de résonance des idées de Jean-Luc Mélenchon. Pour l'heure, si le Media rêvait d'offrir une alternative dans le paysage audiovisuel, ses guerres de clans ont tout d'une entreprise bien classique.

Le Média de Mélenchon se ramasse de plus en plus
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