Ça y est, après 5 longues années d’études post bac et 2 concours de recrutement de la fonction publique j’atteins enfin le Graal, devenir enseignante ! Je vais pouvoir faire plein de choses, transmettre ce que je sais, apprendre des élèves, faire enfin mon métier et non plus des jobs précaires…

Revenir à la réalité

Ah que c’est beau de rêver ! Tout ceci c’est ce que je me suis dit durant l’été 2012 après avoir appris que j’étais reçue au CAPES d’anglais. Puis de ce beau rêve plein d’espoir il a fallut revenir à la réalité qui elle est bien moins glamour. Je vais tenter de vous la faire courte car sinon il y aurait matière à en faire tout un livre.

Tout d’abord, première réunion avec les grands pontes de l’académie fin août pour bien nous faire comprendre que bien qu’on ait ‘‘trimé’’ 5 ans + 1 concours rien n’était acquis et nous n’étions que professeurs stagiaires. Traduction : tenez vous bien à carreaux car vous êtes à l’essai pou 1 an et vous avez intérêt à plaire à l’inspecteur dont le rapport aura un poids crucial dans votre avenir professionnel. Ou si vous préférez, faites ce que veux l’inspecteur et surtout pas ce qu’il vous plairait de faire avec vos élèves. Ne soyez ni trop original, ni trop traditionnel. Bienvenue dans l’Education Nationale ! Ah oui, aussi, n’hésitez pas à envisager toutes les options de reconversion au cas où et sachez que ce métier il vaut mieux l’aimer passionnément. Alors je résume, faites ce qu’on vous dit et penser que malgré tout l’argent que vous avez dépensé pendant 5 ans pour en arrivé là n’est peut être que pure perte si vous vous rendez compte qu’en fait prof ce n’est pas pour vous. Quelle belle façon d’entrer dans le métier !

Le mois de septembre arrive...

Arrive donc ensuite, le mois de septembre, la rencontre avec votre ‘tuteur’ (car oui nous restons des arbustes à maintenir bien droits pour l’Education Nationale) et plus ou moins de chance au tirage de celui-ci. En effet, nous ne sommes pas tous égaux face à la ‘‘qualité’’ du tuteur (question de matière et d’année de fabrication surement). Bon, pour ma part je n’ai rien à redire, je suis tombée sur quelqu’un d’extraordinaire qui aime son métier et m’a immédiatement considérée comme une collègue à part entière, quelqu’un avec qui échanger et partager. J’ai clairement eu de la chance et ce n’étais pas le cas de la majorité de mes collègues stagiaires qui eux avaient à composer avec des dinosaures de l’Education Nationale. Mais bon passons, on peut s’en sortir même avec des tuteurs un peu archaïques. Par contre, avec 2/3 niveaux différents voire 2 établissements en débutant et associer cela à des heures de ‘formation’ chaque semaine ça commence à faire beaucoup et plus d’une personne à fini l’année sous traitement.

L’aptitude à préparer un cours

Car oui, on débute dans le métier mais il faut bien nous faire faire les heures prévues dans les textes. Donc les chefs d’établissements nous donnent les classes qu’ils peuvent afin de rentrer dans les clous. Je ne leur jette pas la pierre, ils ont déjà pas mal de choses contre eux et ils font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont. Par contre, débuter une carrière alors qu’on a peu voire jamais été devant des élèves « ça craint un peu » comme diraient nos têtes blondes. Et oui, car le charmant recrutement par concours ne prend pas en compte votre expérience de professeur mais votre aptitude à préparer un cours et à maîtriser votre matière. Autrement dit, si tu es brillant tu as toutes tes chances mais crois moi tu vas en chier ! Peu d’entre nous étaient prêts à faire face à 30 élèves 15 heures par semaine en plus de devoir préparer, corriger, rencontrer les parents et aller en formation 6 heures par semaines… En clair, si on calcule un peu tout ça, 15 heures de présence et au moins autant de préparation (je parle d’un minimum bien sûr) + 6 heures de ‘formation’ (à 1h30 de route du lieu de travail bien sûr) et je vous fais cadeau des réunions etc. = 36 heures minimum. Quoi ?! Les profs ne seraient pas aux 35h ?! Je réitère, bienvenue dans l’Education Nationale ! Je ne connais aucun collègue ayant été stagiaire l’année dernière qui ait bien vécu son entrée dans l’Education Nationale. Car entre l travail demandé et le relationnel souvent complexe avec les élèves autant vous dire que ce n’est pas de la tarte !

Enfin, imaginons qu’après quelques mois les choses s’arrangent car on s’endurcit et on apprend fort heureusement. Et bien c’est là qu’arrive la fameuse inspection de titularisation. Voilà donc ce qui se passe : un/une inspecteur(-trice) vient 1 heure dans votre classe, vous observe et observe votre travail (préparations, corrections, cahiers d’élèves,…) puis il/elle vous fait part de ses observations pendant un moment après votre cours avant de rendre son rapport à une commission (rapport dont vous ne verrez pas le contenu sauf demande écrite etc. etc.). Donc ce jour là, non seulement il vous faut gérer vos 30 élèves comme tous les jours depuis septembre (en espérant qu’ils ne seront pas dans un mauvais jour) mais en plus, vous devez gérer votre pression face à cette personne en train de juger votre travail et vos capacités. Vous savez tout au long de cette heure que le moindre faux pas sera remarqué et que le rapport de cette personne conditionne énormément votre avenir professionnel.

Le bon professeur stagiaire

Donc résumons, en bon professeur stagiaire, vous vous retrouvez propulsé devant une trentaine d’élèves 15 heures par semaine (+ le reste), en position d’étudiant 6 heures par semaines en ‘formation’ (plutôt mal organisée et qui n’a de formation que le nom) et vous êtes jugés sur 1 seule heure de cours 1 jour au hasard et tout cela vous amène peut être à être professeur titulaire l’année suivante. Titularisation qui implique bien entendu une mutation on ne sait où parce que sinon ce ne serait pas drôle !

En clair, après avoir passé 5 ans d’études à bien galérer, bienvenue dans l’enfer du prof stagiaire ! Car même si ce métier est plein de petits bonheurs, surtout lorsqu’on lit dans le regard d’un élève qu’il a compris et qu’il est fier de lui, il n’en reste pas moins qu’on y rentre mal et avec pertes et fracas. La France a de travail à faire pour son éducation et ce n’est pas à demandant leur avis à nos beaux chercheurs le nez dans leur jolis thèses que les choses vont s’arranger et aller dans le bon sens. Alors si tu veux des enseignants compétents et épanouis et surtout des élèves qui apprennent vraiment et qui ont envie, il va falloir revoir ta copie ma chère France !

métiers d'enseignants
Devenir prof en 2012, le rêve…
Retour à l'accueil