Ne pas chercher de cohérence idéologique dans le programme économique du FN. Il n'y en a aucune.

Ce programme est une sorte de monstre à plusieurs têtes, alliant analyses, slogans et références de gauche, rengaines économiques portées par une partie de la droite et de l'extrême droite depuis des décennies, le tout nappé de la sacro-sainte préférence nationale (rebaptisée «priorité nationale»), bien présente même si le FN ne la place plus en tête de gondole.

Quand on sait que les banderoles et les tee-shirts de la dernière campagne des présidentielles furent acheté par le FN au Pakistan et en Inde, cela montre les bases de cet immense foutage de gueule

Concernant l’écologie ; c’est à l’aune des délires économique du FN.

Piquer à la gauche, pour éviter de penser soi-même

Car pour cette campagne, le FN la joue social. Dans de longs développements (qui ne font bien souvent que ressasser des statistiques archi-connues, mais au moins le FN cite-t-il des chiffres justes, au contraire de Nicolas Sarkozy), le FN multiplie les propositions glanées à la gauche de l'échiquier politique. D'autres empruntent carrément à la rhétorique, éculée mais toujours efficace, du pot de terre contre le pot de fer.

Le FN promet ainsi de traiter le chômage en réindustrialisant le pays, en soutenant les PME, en réformant la formation professionnelle. Il propose d'indexer les salaires sur l'inflation, avance plusieurs modifications fiscales (progressivité de l’impôt, suppression de niches fiscales, hausse des impôts pour les sociétés du Cac 40, TVA majorée sur les produits de luxe), la taxation des délocalisations des services, le renforcement du petit commerce face à la grande distribution et dans les zones rurales, ou encore l'encadrement des prix du gaz, de l’électricité et des produits de base.

Des idées dont il est difficile d'apprécier la portée, puisque aucune n'est assez détaillée ni chiffrée.

Le FN ne craint pas, pour tancer la réforme des retraites de Nicolas Sarkozy, d'en dénoncer le caractère «inefficace et injuste» : précisément la formule sur laquelle s'étaient accordés les syndicats à l'automne 2010. A cette époque pourtant, le FN n'avait guère été en tête de la mobilisation. Il promet un retour à 40 ans d'annuités pour une retraite à taux plein (contre 41,5 ans aujourd'hui) et un retour «progressif» à l’âge légal à 60 ans, sans indiquer néanmoins les modalités de ce retour et la façon il sera financé. L'important est ailleurs : avec cette proposition, le FN se démarque de l’UMP et de François Hollande dont la position sur le sujet n'est pas très claire, mais aussi du Front de gauche qui prône un retour immédiat à l'âgé légal à 60 ans. Se démarquer avant tout dans l'offre politique, voilà bien la priorité.

La préférence nationale pour les prestations sociales, le logement et l'emploi

Malgré les fanfreluches “pour faire de gauche” qui parsèment son programme économique, le FN prône avant tout une France du repli sur soi et de l'autarcie, y compris en matière économique. L'air de rien, le programme du parti affirme que la préférence nationale serait introduite pour les prestations sociales, l'accès au logement et à l'emploi, ce qui en pratique signifie priver de droits élémentaires les 3,5 millions d'étrangers qui vivent en France.

Concernant le logement social, «seules les personnes qui peuvent légitimement y prétendre pourront conserver» leur habitation : il faut donc comprendre, même si ce n'est pas dit, que les autres seront expulsés de chez eux. Le minimum vieillesse serait également réservé aux Français, et supprimé pour les étrangers qui ne vivent pas en France et/ou y ont travaillé moins de 10 ans. Une rupture totale avec l'esprit des lois de Sécurité sociale de 1945.

Le FN décrit un scénario économique simplissime : la France sort de l'euro, se débarrasse de toutes les règles commerciales en vigueur dans l'Union européenne, a tout loisir de faire marcher la planche à billets. Ainsi, elle relance son économie, via une «réindustrialisation» «planifi[ée] par l'Etat». Rien de plus simple, et tant pis si la sortie de l'euro risque (entre autres) de provoquer une très grave récession et de relancer une concurrence économique effrénée avec nos voisins européens.

«Des droits de douane ciblés et quotas d’importation» seraient imposés à la Chine et aux pays de l'Est. Ces taxes aux frontières, dont le montant n'est nulle part évalué, serviraient à leur tour à financer certaines politiques publiques comme la dépendance. Une loi«Achetons français» «favorisera toutes les productions françaises, y compris au niveau très local», «dans le domaine de l’artisanat de l’industrie ou de l’agriculture». Pourtant, il est en réalité très difficile de dire ce qu'est un produit français, sans compter qu'une telle labellisation ne pourra pas à elle seule relancer la machine économique…

Dans la réalité, c’est encore pire ; les sites web proches du FN sont hébergés à l’étranger - Inde et Pakistan - et les banderoles et tee-shirts de la dernière campagne électorale ont été réalisé dans ces mêmes pays ; achetez français ; oui, sauf pour le front national.

Rhétorique ultralibérale et priorité aux petits patrons

Paré de plumes sociales, franchement nationaliste, le programme du FN intègre enfin des grands classiques de la rhétorique ultralibérale qui imprègne la doctrine économique du FN depuis sa création au début des années 1970 : la défense des petites entreprises et des artisans étranglés par les charges et les procédures administratives («Les PME/PMI d'abord !», répète Marine Le Pen), l'apprentissage à 14 ans – une vieille marotte de la droite, que Dominique de Villepin avait en son temps tenté de relancer –, le durcissement des sanctions envers les chômeurs.

C'est aussi en fidélité à cette tradition que le FN souhaite rendre possible les dérogations aux 35 heures, tout en affirmant que ces renégociations ne peuvent déboucher que sur des "hausses de salaires", qui ouvriraient la voie, en fait, à des baisses massives de salaire.

Haro contre les syndicats

Bien évidemment, les syndicats de salariés ne sont pas épargnés. Marine Le Pen les accuse régulièrement de «dealer avec le gouvernement» - exemple en vidéo en fin d'article -. Le FN souhaite des organisations professionnelles qui font moins grève et manifestent moins. Par ailleurs, le «monopole de représentativité institué après la Libération sera supprimé». En réalité, c'est déjà le cas depuis 2008, et la liste des syndicats représentatifs doit être remis à jour en 2013 sur la base des élections professionnelles des années passées.

Suppression de l'ISF et instauration d'une TVA sociale déguisée

Enfin, sous couvert de simplifier, «d’optimiser et de rendre plus juste» le système fiscal, le FN souhaite aussi supprimer l'ISF et instaurer une «contribution sociale aux importations». Il s'agit en réalité d'une TVA sociale comme le préconisait Nicolas Sarkozy, avec une hausse de TVA de 3% sur les biens importés. Cette taxe s'accompagnerait d'une baisse des cotisations salariales qui permettra, promet le FN, «d’augmenter de 200 euros net les rémunérations des salaires jusqu’à 1,4 fois le SMIC». Reste à savoir comment faire pour cibler les produits importés car bien des produits "made in France" contiennent en réalité des pièces ou des éléments importés.

La réalité économique est malheureusement un peu plus complexe que le monde fantasmatique décrit par Mme Le Pen.

Le Front national : du grand n’importe quoi
Retour à l'accueil