Steven Soderbergh et le Mariage pour tous  lors de la présentation de « Ma vie avec Liberace » au Festival de Cannes 2013, le film pour lequel l’industrie du cinéma américain a dit non. Le cinéma US a refusé ce projet. La chaîne TV payante HBO a donc pris le relais, avec succès : le film a dépassé la barre des 2,5 millions de téléspectateurs le 26 mai dernier lors de sa diffusion. Un quasi record pour cette chaine payante. En France, « Beyond the candelabra » sort aujourd'hui comme il se doit : en salles. Le Canard a pu voir le film en VO, en streaming.

«Trop gay»

Ont tranché les producteurs hollywoodiens lorsque Steven Soderbergh leur a présenté son projet de biopic sur le pianiste américain Liberace. Pensant que ce film où l'amour entre deux hommes est au cœur de l'histoire ne plairait pas au public américain, ils ont refusé de le financer.

Liberace, Douglas, Damon

« A  moi seul, gloussait-il avec gourmandise, j'ai sauvé l'industrie autrichienne du strass ! » Wladziu Valentino Liberace, né en 1919, d'un père italien et d'une mère polonaise, fut - personne ne le savait, hors des Etats-Unis, avant le film de Soderbergh et la montée des marches de Michael Douglas - l'une des plus grandes stars de variété des années 1960 jusqu'à sa mort, due au sida, en 1987. Ses disques se vendaient par millions. Virtuose du piano, il s'amusait à jouer Chopin en boogie-woogie à une vitesse ahurissante. Ses shows, avec entrée en scène en Rolls, ses tenues étaient d'un kitsch invraisemblable.
Michael Douglas, dans le rôle de Liberace, est époustouflant, il mouille sa chemise.  Matt Damon, à ses côtés est incroyable de talents. Michael Douglas et Matt Damon prennent tous les risques.

Steven Soderbergh, plébiscite la loi française sur le Mariage pour Tous

Annoncé comme le dernier film du quinquagénaire Steven Soderbergh, ce biopic flamboyant et malicieux du pianiste Simon Liberace est une totale réussite. A travers Liberace, Soderbergh explore une nouvelle fois le mythe de l'American dream, dans tous ses excès.  Le film a été ovationé au dernier Festival du Film américain de Deauville, il y a quelques jours.  Au mois de mai lors de la présentation du film à Cannes, Steven Soderbergh, a pris position sur le mariage pour tous en France lors d'un entretien avec allocine.fr . 

« J'ai été très heureux que les Français aient adopté cette loi quelques jours avant la projection du film à Cannes ! C'était très gentil de leur part. Quand j'observe ce débat, je pense à ce que j'appelle "la loi des 50 ans" : dans 50 ans, quand on regardera en arrière, ceux qui ne soutenaient pas cette loi auront l'air vraiment ridicules. Il y a 50 ans, on votait aux Etats-Unis le Voting Rights act [NDLR : loi qui a donné le droit de vote à toute la population noire en 1965] et aujourd'hui, tout le monde s'accorde à dire que c'était une bonne chose. Je suis toujours déçu quand je vois des hommes politiques passer du temps à restreindre les droits des individus plutôt qu'à les augmenter. Ca m'ennuie car je me dis : le monde ne fonctionne pas comme ça ! Le monde évolue, on va toujours de l'avant, donc pourquoi retourner en arrière ? »

Une bonne raison d'aller voir le film.

Le film quand même récompensé aux Etats-Unis

Malgré la cabale d'Hollywood, le film Steven Soderbergh qui ne sera pas présenté aux Oscars, porté par Michael Douglas et Matt Damon a marqué la soirée des Creative Arts Emmy Awards, dimanche à Los Angeles, en raflant huit récompenses au total. Traditionnellement organisés une semaine avant la cérémonie des Emmy Awards, les Creative Arts Emmy Awards s'attachent aux qualités hors écran des productions: maquillage, musique, effets techniques, coiffure...
« Ma vie avec Liberace », film le plus primé de la soirée, a été salué pour sa direction artistique, son casting, ses costumes, ses coiffures, son maquillage, son édition caméra et son mixage sonore. Ma vie avec Liberace est en course pour septs récompenses supplémentaires lors des Emmy Awards, dont la cérémonie aura lieu dimanche, dont celui du meilleur acteur pour Michael Douglas. Sans parler de Baby Boy, le caniche blanc et aveugle de Liberace, qui a remporté la «Palm Dog», récompense suprême des meilleurs talents canins du Festival de Cannes.

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Bande annonce : « Ma vie avec Liberace »

Reparti bredouille de Cannes, le film de Steven Soderbergh sur le pianiste excentrique des années 1960, jugé «trop gay» pour le cinéma américain, a intéressé 3,5 millions de personnes lors de sa diffusion à la télévision sur HBO.

Le synopsis

« Avant Elvis, Elton John et Madonna, il y a eu Liberace : pianiste virtuose, artiste exubérant, bête de scène et des plateaux télévisés. Liberace affectionnait la démesure et cultivait l'excès, sur scène et hors scène. Un jour de l'été 1977, le bel et jeune Scott Thorson pénétra dans sa loge et, malgré la différence d'âge et de milieu social, les deux hommes entamèrent une liaison secrète qui allait durer cinq ans. "Ma Vie avec Liberace" narre les coulisses de cette relation orageuse, de leur rencontre au Las Vegas Hilton à leur douloureuse rupture publique.

Quand le producteur Jerry Weintraub a été contacté par le réalisateur Steven Soderbergh pour ce projet, il n'a pas modéré son enthousiasme : "J'ai connu Liberace, que je trouvais extraordinaire et très en avance sur son temps. Et puis, quand Steven s'intéresse à quelque chose, ça m'interpelle tout de suite parce que c'est mon réalisateur préféré."

Michael Douglas, qui travaillait avec Soderbergh sur "Traffic" il y a treize de cela, se souvient quant à lui : "Steven m'a demandé à brûle-pourpoint si j'avais déjà envisagé de jouer Liberace. J'ai cru qu'il se fichait de moi." Le réalisateur explique : "Je ne sais pas ce qui m’a pris ! Mais Michael s'est aussitôt lancé dans une imitation à l'improviste que j'ai trouvée excellente." Piqués par cette prestation sur le vif, Soderbergh et le producteur exécutif Greg Jacobs ont commencé à creuser l'idée.

Restait à trouver l'angle d'attaque, ce qui n'a pas été aisé pour le réalisateur : "Je me sentais bloqué. Je ne voulais pas faire un « biopic » classique, mais je ne savais pas comment aborder le sujet. Quand j'en ai parlé à un ami écrivain, il m'a conseillé de lire le livre de Scott Thorson, « Behind the Candelabra ». J'ai trouvé le titre génial ("Derrière le candélabre"), je l'ai lu et ça m'a totalement débloqué, de me concentrer sur une période bien définie de sa vie." A partir de là, l'idée a été soumise à Weintraub. Matt Damon, de la promotion "Ocean's Eleven", a été convié à l'embarquement pour interpréter Thorson, et le scénariste nommé aux Oscars Richard La Gravenese a été invité à écrire le film.

Soderbergh développe : "Liberace n'était pas un imbécile. C'était un très bon musicien, bourré de talent et doué d'un vrai sens du show. Ce genre d'alliance est rare, il est important de le faire comprendre. Si on ne le prend pas au sérieux, on est dans la caricature. Ce qui m'a plu, dans le livre, c'est que les discussions qui y sont rapportées sont de celles que peuvent avoir tous les couples. Ce qui est moins banal, c'est le cadre dans lequel ces discussions avaient lieu. Mais on a traité leur relation avec sérieux, car mon sentiment, fondé sur les recherches qu'on a menées, est que c'était une véritable relation, et la plus longue que Liberace avait entretenue jusque-là. Je voulais vraiment éviter de tomber dans la caricature, que ce soit de leurs personnages ou de leur relation."

Selon Weintraub, Soderbergh fait partie des réalisateurs qui savent attirer les acteurs d'envergure. Dan Aykroyd, Scott Bakula, Rob Lowe, Tom Papa et l'infatigable Debbie Reynolds sont ainsi venus étoffer la distribution. "Les acteurs veulent travailler avec Soderbergh parce qu'il leur donne énormément, explique le producteur. Il est bon parce qu'il est là, avec sa caméra, en face d'eux, et qu'ils savent qu'ils sont compris."

De son côté, Rob Lowe, qui interprète le tristement célèbre chirurgien esthétique, ne tarit pas d'éloges sur Weintraub et ce qu'il a apporté au film : "Hollywood se portait mieux quand il y avait plus de gens comme lui. Il reste pertinent, toujours au top dans son secteur. C'est un vrai passionné de cinéma. Rien n'exigeait qu'il soit sur le tournage tous les jours, mais il était toujours là, du début à la fin de la journée. Dans le milieu du cinéma, il en a fait et vu plus que quiconque. Il est dans la place, c'est un battant, un modèle à suivre."

Tourné à Los Angeles, Palm Springs et Las Vegas, "Ma vie avec Liberace" a puisé dans l'authenticité : nombre des lieux de tournage, décors, costumes et accessoires proviennent directement de la vie de l'artiste. Nous retrouvons ainsi son appartement à Los Angeles, le bureau de poste de West Hollywood où travailla Scott Thorson après la rupture, l'église Our Lady of Solitude, à Palm Springs, où eurent lieu les funérailles de Liberace, ainsi que la scène et la salle d'exposition du LVH, anciennement Las Vegas Hilton, où le musicien tenait sa revue.

"Mr. Showmanship"

Wladiu Valentino Liberace – Lee pour les amis, Walter pour la famille – né en 1919 à West Allis, Wisconsin, d'une mère polonaise et d'un père italien, sera des années 1950 aux années 1970 l'entertainer le mieux payé du monde. Ses spectacles, disques, films, apparitions et spots télévisés attireront une foule toujours croissante de fans, essentiellement parmi la gent féminine.

Liberace est initié à la musique dès son plus jeune âge grâce à son père, joueur de cor d'harmonie. A quatre ans, il se met au piano sous la stricte supervision paternelle, et démontre vite un étonnant talent. Capable de retenir par cœur des morceaux difficiles à sept ans, le jeune prodige sera sensiblement influencé par le grand pianiste polonais Paderewski, qu'il rencontrera une fois à l'issue d'un concert, à Milwaukee. Formé à l'école classique, il multiplie les expériences en s'entraînant au jazz et à la variété dès qu'il en a l'occasion, avant de donner son premier concert à 20 ans avec l'orchestre symphonique de Chicago. Interprétant le concerto pour piano n° 2 de Liszt, il déploie sur le clavier une envergure de main saisissante, qu'il partage avec le compositeur et qui lui permettra de perfectionner la dextérité stupéfiante qui deviendra indissociable de son style.

Liberace choisit de délaisser les salles de concert pour les night-clubs afin de ciseler son propre style musical qu'il qualifie de "populaire avec un zeste de classique", au gré de tournées aux États-Unis durant lesquelles un piano sur mesure orné d'un candélabre ne le quitte jamais. Cet apparat lui a été soufflé par le film biographique sur Chopin réalisé par Charles Vidor en 1945 ("La Chanson du souvenir"), avec Cornel Wilde dans le rôle du compositeur polonais et Merle Oberon dans celui de George Sand. Le candélabre deviendra le symbole omniprésent de l'artiste, qu'il utilisera même pour signer ses autographes.

Son premier concert à guichets fermés avec l'orchestre philharmonique de Los Angeles, au Hollywood Bowl, marque une étape décisive dans l'évolution professionnelle et personnelle de Liberace : de peur d'être invisible sur cette scène immense, en smoking noir devant le piano noir, il s'orne d'une traîne blanche éclatante, et inaugure ainsi les costumes flamboyants qui feront partie intégrante de ses prestations.

La célébrité vient avec le programme télévisé "The Liberace Show" qui, lancé en 1952 et vendu à des chaînes dans tous les Etats-Unis et plus de vingt autres pays, sera l'une des émissions les plus suivies des années 1950. La renommée ouvre la voie à une série de concerts au Madison Square Garden qui remporteront un succès foudroyant, puis à un enchaînement de spectacles monumentaux à Las Vegas et dans le monde entier, durant plus de trente ans. Liberace devient l'un des plus grands hommes de scène du XXe siècle. Artiste aux multiples et immenses talents, il joue du piano, chante, danse et plaisante avec le public durant ses spectacles.

Il jouera dans quatre films et plusieurs séries télévisées, outre sa propre émission et, bien que ses performances sur scène fassent de l'ombre à sa carrière en studio, il remportera tout de même six disques d'or et entrera dans le "Guinness des records" à la rubrique des musiciens les mieux payés au monde.

Jerry Weintraub, qui a été plusieurs fois invité chez Liberace, a toujours été impressionné par sa générosité et son hospitalité. Il raconte : "La Rolls- Royce que l'on voit sur scène dans le film était son bar. On entrait dans sa maison de Palm Springs par le garage, et on restait assis à l'arrière de la voiture pour siroter des cocktails. C'était un sacré bonhomme ! Dans le milieu du spectacle et de la musique, on sait que c'était l'un des pianistes les plus doués de l'époque, voire de tous les temps. Mais il a choisi le grand spectacle, et cela bien avant Lady Gaga, Madonna ou Elton John. Il revêtait ces incroyables costumes, entrait en scène et divertissait son public. Les gens adoraient ces spectacles grandioses. Il se produisait tous les soirs." Weintraub, qui a travaillé avec Elvis Presley, n'hésite pas à reconnaître l'influence que Liberace a pu avoir sur "le King", dont les spectacles des années 1970 à Las Vegas faisaient clairement écho au style clinquant et exubérant de Lee.

Michael Douglas a lui aussi ses souvenirs de Liberace : "Je l'ai vu brièvement deux ou trois fois quand mon père avait une maison à Palm Springs et que Liberace était voisin. Il avait vraiment le sens du spectacle. Il était très populaire à Las Vegas, mais c'est la télévision qui l'a fait connaître dans le monde entier. C'est probablement le premier à avoir parlé directement face caméra ; c'était une de ses forces, cette façon de faire entrer le spectateur dans la pièce avec lui. Dans son style camp, il y avait une sincérité – de sa personne, de ses spectacles et du désir qu'il avait de rendre les gens heureux – qui était contagieuse."

Debbie Reynolds, autre convive régulière de Liberace à Los Angeles et Las Vegas, a entretenu avec lui une amitié de 35 ans faite de dîners, de fêtes d'après-spectacle et de virées nocturnes en limousine. "On se retrouvait parce qu'on était tous des gens du spectacle et qu'on aimait être ensemble. Lee était le plus entraînant parce qu'il aimait veiller tard pour raconter des histoires et s'amuser. C'était un homme merveilleux, très doux, et j'ai des souvenirs très émus de lui au piano. Sa musique était magnifique."

Au-delà du strass

La vie privée de Liberace a toujours excité la curiosité, malgré la vénération sans faille que lui vouaient ses admiratrices et les dénégations répétées de l'artiste. A l'époque, les célébrités ne pouvaient être gays qu'en privé, elles devaient protéger leur image publique. Dans les années 1950, Liberace intenta un procès, qu'il gagna, contre un journal londonien qui avait insinué qu'il était homosexuel. Dans les années 1980, l'artiste prétendait toujours être hétérosexuel, et sa vie avec Scott Thorson restait cachée. Quand celui-ci s'en remit à la justice pour exiger une pension alimentaire après la rupture, Liberace continua de nier qu'il était gay et qu'ils avaient été amants. C'est l'un des aspects qui a intéressé Jerry Weintraub : "Je voulais faire un film qui montre notre évolution, qui montre les progrès de l'espèce humaine, de notre pays, du monde entier, par rapport à cette question. Dans certains endroits, les unions entre personnes du même sexe sont aujourd'hui reconnues et admises. Etre gay n'est plus autant stigmatisé."

Michael Douglas a beaucoup aimé interpréter cette légende des planches : "C'est une chance immense d'avoir pu jouer ce rôle. Je ne suis pas un imitateur, je sais que je ne serai jamais exactement comme Liberace. Il a donc fallu que je trouve un équilibre : je devais à la fois me sentir à l'aise, convenir à Steven, et plaire à Matt ! C'était une belle histoire d'amour, ces deux hommes étaient vraiment amoureux. Il y a eu beaucoup de bonheur, de rire et de joie, mais ça s'est terminé de façon tragique."

Matt Damon a lui aussi été séduit par l'histoire de cette relation : "Je crois que Scott l'aimait vraiment, mais que c'était compliqué. Il avait été adopté, il se cherchait une famille – et Lee la lui a donnée. Je crois qu'ils s'aimaient profondément. Ça s'est mal fini, mais ils ont vécu ensemble beaucoup d'instants merveilleux, beaucoup de hauts et de bas, et beaucoup de ces moments que traversent tous les couples qui durent. Je ne pense pas que Scott était un homme intéressé. Je crois qu'il l'aimait vraiment, c'est pour ça qu'il a été aussi blessé à la fin. Oui, leur relation était absurde à certains égards. On vit tous des choses absurdes, mais quand on est dedans, ça ne semble pas si absurde. C'était amusant à faire, mais on ne s'est pas moqués, on a pris le sujet avec beaucoup de sérieux. On s'est amusés, mais comme on s'amuse quand on a déjà beaucoup de films derrière soi et qu'on tombe sur un excellent scénario. Richard (LaGravenese) est parvenu à saisir une dynamique très parlante, dans cette relation si complexe. Son scénario m'a convaincu. On ressent l'histoire d'amour, c'est un film sur une relation vraie, qui a duré. C'est ce qui nous a permis d'aborder le film, Michael et moi. On est mariés l'un et l'autre, depuis un moment, alors on a pu s'identifier à cette histoire d’un couple qui s’aime et dont l’amour résiste au temps. Richard a apporté une telle humanité au scénario qu'il m'a été facile de sentir le personnage et sa relation, de les comprendre."

Le scénariste LaGravenese précise sa vision des choses : "Ma mère et ses trois sœurs adoraient Liberace, et aucune ne savait qu'il était gay. Son public voyait en lui un formidable artiste, et tout le monde pensait sincèrement qu'il était célibataire parce que Sonja Henie lui avait brisé le cœur. Mais il avait la cinquantaine, un gros appétit sexuel, et il aimait les beaux jeunes hommes. Il les faisait participer à ses spectacles, conduire la Rolls-Royce sertie de bijoux dans laquelle il faisait son entrée. Mais à force d'être trop gâtés, ces hommes devenaient, comme il le disait, "des monstres" qui, soit le rejetaient, soit le lassaient. Et puis il y a eu Scott Thorson, petit enfant perdu, bel éphèbe dont personne n'avait pris soin, et Liberace avait un faible pour ces créatures égarées. Il a été très attiré par ce jeune homme qui, lui, a vu en Liberace l'espoir d'une vie meilleure, loin de son foyer d'accueil. Il a été happé par l'ambiance incroyable de Las Vegas et Los Angeles, par le monde du spectacle et du showbiz, par la richesse et la générosité invraisemblables de Liberace. Et ils sont restés ensemble cinq ans."

Le Style Liberace

Le chef décorateur Howard Cummings s'est vu confier la tâche dantesque de reconstituer tout l'univers de Liberace de 1977 à 1982. En à peine six semaines, trente décors ont dû être créés, des spectacles comme de la vie privée de l'artiste.

Au terme d'heures de documentation et de visionnage d'archives, Cummings a décidé de jouer sur les surfaces réfléchissantes, métaphore de la vie de Liberace. Les reflets, les scintillements, la brillance, sont décuplés dans le film, que ce soit chez l'artiste ou sur les planches, et tous les plateaux comportent des miroirs, dont un énorme au-dessus de la scène dans le numéro des "Deux Pianos".

Après la mort de Liberace, ses deux célèbres pianos assortis avaient été séparés, l'un allant au Liberace Museum de Las Vegas, l'autre à la salle d'exposition des pianos Baldwin, où il a été retrouvé par la décoratrice de plateau Barbara Munch-Cameron. Pour le tournage du numéro des "Deux Pianos", les instruments ont été réunis trente ans plus tard. De fait, tous les pianos figurant dans les scènes de spectacle du film ont appartenu au musicien.

Fin connaisseur de Broadway, Howard Cummings s'est inspiré des mises en scène originales de Ray Arnett pour Liberace. Il s'est aperçu qu'il ne restait aujourd'hui que deux scènes suffisamment vastes à Las Vegas, dont celle du LVH (anciennement Hilton) où l'artiste se produisit régulièrement. Presque deux fois plus large qu'une scène moyenne de Broadway, elle était assez grande pour accueillir les deux pianos à queue et tout le décorum de l'artiste, ainsi que pour recevoir la Rolls-Royce de sept mètres de long dans laquelle il faisait son entrée. En vieil habitué de Las Vegas, Jerry Weintraub a fait remarquer que les gradins de la salle actuelle ne pourraient pas du tout rendre l'atmosphère de l'époque, et il les a donc fait enlever, en plus de faire niveler le sol, afin d'installer des tables et des banquettes et de reconstituer fidèlement le cadre dans lequel s'épanouissait Liberace. Comme le résume Cummings : "Avec la salle entièrement refaite, on se croirait dans le Las Vegas de l'époque. Il ne s'agissait pas d'un petit spectacle, mais de l'univers entier de Liberace. Jerry avait parfaitement raison, et c'est grâce à lui qu'on l'a fait."

Dans le même esprit, l'appartement de Los Angeles du musicien a été redécoré dans son style fin années 70, début 80. Pour ce faire, Cummings et Munch- Cameron ont mené une véritable chasse au trésor pour dénicher meubles, pianos, œuvres d'art, candélabres, lampes, etc., qui appartinrent autrefois à Liberace. L'appartement a ainsi retrouvé une partie de sa décoration d'origine, qui avait été éparpillée au fil du temps entre divers antiquaires et boutiques de location d'accessoires. Les décorateurs ont pu reproduire à l'identique l'aménagement et la décoration des lieux grâce à des photos conservées par le propriétaire. L'une des pièces les plus spectaculaires était la piscine en forme de haricot, dotée d'une fontaine alimentée par des becs d'oiseaux en céramique, et d'un arbre en fibres optiques aux lueurs colorées et changeantes.

Comme il connaissait bien le Liberace Museum de Las Vegas,Weintraub a demandé à son président et à ses directeurs d'emprunter différents objets ayant appartenu à l'artiste – voitures, pianos, costumes et bijoux – afin de les utiliser dans le film ou de les présenter aux décorateurs et aux costumiers pour qu'ils s'en inspirent.

La chef-costumière Ellen Mirojnick, collaboratrice de longue date de Michael Douglas, a été choisie pour insuffler sa magie à la création des innombrables costumes – de scène et de vie quotidienne – de Liberace et Scott, ainsi que des tenues 1970-80 des autres acteurs. Les costumes et les bijoux conservés au Liberace Museum l'ont beaucoup aidée dans ses recherches. Pour recréer la garde-robe sophistiquée et hautement recherchée de l'artiste, Ellen a eu recours aux plus grands spécialistes hollywoodiens, et à une équipe de bijoutiers spécialisés qui ont su reproduire les bijoux alambiqués de Liberace. Michael Douglas et Matt Damon ont tous deux revêtu plus de 60 costumes lors du tournage, chacun ayant été confectionné sur mesure. Grâce à ces tenues extravagantes mais parfaitement conformes à la réalité, les deux vedettes ont pu se glisser tout de suite dans la peau de leur personnage. Et il en a été de même pour le reste des acteurs, s'est aperçu Ellen Mirojnick : "C'était magnifique, la métamorphose de ces hommes. Dès qu'ils avaient enfilé leurs bijoux et leur tenue années 70, ils se mettaient à se pavaner ! C'était très intéressant, de voir des hommes se permettre le luxe du luxe."

Mirojnick a travaillé en étroite collaboration avec le chef-décorateur pour la bonne concordance entre costumes et numéros de l'artiste. Les costumes d'origine étaient faits de fourrures et de véritables pierres incrustées, ce qui les rendaient extrêmement lourds. Pour remédier au problème, Mirojnick a testé toute une gamme de matières et d'ornements, vérifiant leur densité, leur poids, leur éclat et la façon dont ils passaient à la caméra et dont ils accrochaient la lumière des plateaux.

Pour l'une de ses entrées en scène, Liberace portait une fourrure de renard blanc de 300 000 dollars, brodée de paillettes et de cristaux d'Autriche d'une valeur de 100 000 dollars, et agrémentée d'une traîne de près de cinq mètres. Pesant une cinquantaine de kilos, il était conduit hors de scène dans une réplique miniature de la Rolls-Royce. La parure que porte Michael Douglas dans la reconstitution de cette scène est en imitation fourrure et cristaux d'Autriche, et pèse beaucoup moins que l'originale. Comme le remarque la chef-costumière, avec un tel attirail, pas étonnant que Liberace ait passé son temps libre en tunique et robe de chambre.

La Rolls-Royce argentée que le personnage de Matt Damon conduit sur la scène durant cette séquence est celle que Liberace utilisa tous les soirs lors de son spectacle à Las Vegas. De même, dans le film, certaines des voitures que l'on voit garées dans l'allée de l'artiste ont été empruntées au Liberace Museum. Liberace accumula une fortune colossale au cours de sa carrière, et il adorait en faire étalage. A l'image de son idole le roi fou Louis II de Bavière, il acheta maisons, vêtements, automobiles, bijoux, miroirs et pianos – dans une surenchère perpétuelle de strass et de glamour.

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