Dans le cadre de la commission d’enquête sur le fonctionnement des services de renseignement français dans le suivi et la surveillance des mouvements radicaux armés, nous vous faisons partager, en fin d’article, l’audition de Marc Trévidic.

L’Assemblée nationale a créé le 6 décembre 2012 une commission d’enquête  sur le fonctionnement des services de renseignement français dans le suivi et la surveillance des mouvements radicaux armés.Cette commission d’enquête, présidée par Christophe Cavard (Écolo, Gard), procèdera à l’audition, ouverte à la presse, de Marc Trévidic, juge d’instruction au pôle antiterroriste, vice-président chargé de l’instruction au Tribunal de grande instance de Paris (pôle anti-terroriste).

Audition de Marc Trévidic au Sénat

Marc Trévidic, un juge combattant

Né en 1965, Marc Trévidic s’est d’abord fait remarquer comme procureur sur les dossiers islamistes. Avant septembre 2001, il se distingue en mettant fin au réseau de l’algérien Fateh Kamel (condamné à huit ans de prison). Nommé juge d’instruction au pôle antiterrorisme, il ne néglige pas la dimension politico-financière des affaires criminelles.

Illustration avec une affaire DCN bis, où les juges d’instruction du pôle financier, Françoise Desset et Jean-Christophe Hullin, sont empêchés d’élargir leur enquête, strictement délimitée par le réquisitoire introductif d’un parquet aux ordres. Passage de témoin : ils saisissent des documents, les placent sous scellés, les transmettent à leur collègue Trévidic. Lequel, sous couvert d’antiterrorisme, plonge sans entraves dans la traque des flux offshore…

L’affaire de Karachi est la plus belle illustration du danger à remplacer le juge d’instruction indépendant par un parquetier aux ordres. Avec sa double casquette de praticien et porte-parole, Trévidic est désormais en première ligne.

L’affaire Merah

Aux antipodes de la version officielle martelée par Bernard Squarcini, l’ex-patron du renseignement intérieur (DCRI), la conviction profonde de Marc Trévidic a jeté le trouble sur le blog de Frédéric Helbert, journaliste d’investigation, expert du renseignement.

Pour le magistrat, qui par ailleurs n’est pas saisi du dossier, il ne fait pas l’ombre d’un doute que Mohamed Merah a été approché pour opérer en agent double : "Ils (les agents de la DCRI) ont tenté un coup particulier, risqué, mais qui à leurs yeux valait la peine et qui aurait pu se montrer gagnant. Ils ont tenté de recruter [Mohamed Merah], tout simplement. De faire une infiltration. D'en faire un agent double", affirme-t-il, au risque de provoquer des remous sur le long fleuve pas tranquille du "FBI à la française".

Tranchant avec la langue de bois de la DCRI, qui récuse ce scénario rétrospectivement inavouable, Marc Trévidic peut se targuer d’être le premier haut personnage de la machine judiciaire à s'en faire l'écho. Le 5 octobre dernier, les magistrats antiterroristes avaient exigé la déclassification de documents marqués du sceau « confidentiel-défense ».

“Terroristes, les 7 piliers de la déraison”

Auteur d’un premier ouvrage très remarqué, Au cœur de l’antiterrorisme (Lattès, 2010), il poursuit de manière plus personnelle son analyse des lois silencieuses qui régissent le terrorisme islamiste avec “Terroristes, les 7 piliers de la déraison”

Pourquoi et comment devient-on terroriste ? Comment légiférer et pourquoi la mission des juges est-elle si périlleuse ? Quelle est la position de la France face à un phénomène qui n’a pas de frontières ? 

Pour la première fois, un juge, l’une des figures de la galerie Saint-Eloi, nous fait pénétrer au cœur d’un système, d’un univers, aussi inquiétant que fascinant. Il n’hésite pas à se mettre dans la peau de ces apprentis terroristes pour dérouler la progression insidieuse vers la déraison. 

Qu’est-ce qui pousse Stéphane, seize ans, ce garçon issu d’une famille ordinaire, à se convertir soudain à l’Islam et à se radicaliser ? Pourquoi Assya, élevée laïquement en France, décide-t-elle un jour de porter le niqab et de s’inscrire sur un site de rencontres communautaires ? Que part chercher Abou Hamza dans les montagnes afghanes ? 

Au-delà de ces parcours édifiants, c’est une justice pourtant à la pointe de l’information et de la vigilance qui ne peut être rendue, faute de preuves et de faits : car un terroriste en puissance n’est pas encore un terroriste.

Audition de Marc Trévidic au Sénat
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